15 avril 2012

La faiblesse des investissements en communication en France devient inquiétante

The Huffington Post du 15/04/12 – Sébastien Danet

Un thème crée le consensus parmi les candidats à la présidentielle: celui de produire en France pour conserver des emplois en France. La campagne a ainsi remis sur le devant de la scène une entreprise comme Lejaby… alors que ses salariés avaient eux-mêmes fait le constat de l’insuffisance de publicité et du manque d’attractivité de leur marque plusieurs années plus tôt !

Le secteur de la communication et des médias, injustement oublié des débats du moment, constitue pourtant un élément de réponse parmi d’autres à nombre d’enjeux d’actualité, à commencer par la croissance et l’emploi.

Moins de 300.000 euros bruts investis en communication par Lejaby ces deux dernières années, alors que ses principaux concurrents (Simone Pérèle, Lise Charmel ou Chantelle) ont investi chacun entre un et deux millions d’euros sur la seule année 2011. Rossignol, autre entreprise au cœur de la campagne, a également investi en moyenne cinq fois moins que son concurrent direct Salomon au cours des dernières années…

L’honnêteté intellectuelle impose d’intégrer le fait qu’une entreprise en mauvaise santé financière n’ait pas les budgets pour financer d’importantes campagnes de publicité. Néanmoins, il existe une corrélation étroite entre investissements en communication et progression économique, démontrée par de nombreuses études. C’est d’ailleurs le rôle des agences de conseil en achat d’espace et stratégie média que de transformer chaque investissement publicitaire en ventes. Car comment un consommateur peut-il se tourner vers un produit, aussi français soit-il, s’il n’est pas présent à son esprit, s’il n’a pas fait la pédagogie de sa supériorité, voire s’il n’est pas distribué (la communication étant de plus en plus souvent une condition pour intégrer les linéaires…) ?

LA FRANCE À LA TRAÎNE

La France est à la traîne sur des sujets qui ne sont même pas abordés par les candidats à la présidentielle: nous sommes le pays développé qui consacre la part la plus faible de son PIB aux investissements publicitaires. Pour se hisser au niveau des Etats-Unis, la France devrait doubler le montant de ses investissements. Face à l’Allemagne, dont le modèle nous est cité en exemple sur chaque thème, la progression devrait être de 50%.

Cette différence provient sans doute d’une forme de tradition française, enracinée dans le rural. Les acteurs économiques ne mesurent pas toujours très bien le profit qu’ils vont retirer d’investissements immatériels. Une campagne de communication est encore considérée comme une dépense, non un investissement. Les règles comptables françaises s’inscrivent d’ailleurs également dans cette logique, n’intégrant pas le capital marque à l’actif du bilan des entreprises…

Plus intéressant encore, le nombre d’annonceurs en Allemagne est près de deux fois plus élevé qu’en France. Ce chiffre est dû au dynamisme des petits annonceurs, très nombreux outre-Rhin. Nos PME gagneraient en dynamisme si elles savaient exploiter les outils de communication comme le font nos champions nationaux. Car la défiance d’un grand nombre de français face au capitalisme mondialisé ne remet pas en cause la fierté de voir des entreprises françaises comme Axa, Danone ou L’Oréal s’imposer hors de nos frontières, grâce notamment à leurs efforts de communication.

Mieux pour l’influence de la France serait l’émergence de champions nationaux dans l’industrie des médias. L’interdépendance croissante des Etats, davantage encore en Europe, modifie les modalités de rayonnement d’un pays. Aujourd’hui, davantage qu’une armée, les Etats-Unis peuvent s’appuyer sur leur industrie médiatique, des studios de cinéma aux leaders mondiaux du digital, pour affirmer leur pouvoir linguistique et culturel. Le soft power de Google, Facebook ou Apple n’a pas d’équivalent français.

Au moment où de nombreux médias peinent à survivre en France, tentant de se replier sur le seul web ou fermant définitivement leurs portes, et licenciant ainsi des centaines de salariés, aborder ce sujet constitue une urgence. Alors qu’elle représentait déjà 3,7% du PIB et 1,15 million d’emplois en 2010, la filière Internet devrait contribuer au quart de la croissance française des trois prochaines années et à la création de 450.000 emplois supplémentaires directs ou indirects !

Les ressources publicitaires, qui représentent entre 40% des ressources globales de la presse nationale d’information et 95% des ressources des acteurs numériques, sont une des clefs. Mais résoudre la question de la sous-capitalisation chronique des médias français et favoriser l’essor des médias numériques par des politiques publiques ambitieuses, notamment en termes de formation, permettraient d’actionner plus fortement encore ce levier considérable de croissance et d’emploi.

Les enjeux relatifs à l’économie de la communication et des médias sont nombreux. Les membres de l’Udecam (Union des Entreprises de Conseil et d’Achat Médias), à la fois premiers observateurs et acteurs de cet écosystème à forte valeur ajoutée, sont seuls en mesure d’évoquer à la fois la dimension économique des investissements des entreprises en communication, l’industrie des médias mais également l’importance pour le consommateur de bénéficier d’un paysage média à la fois pluraliste et éthique. Ils ont élaborées collectivement six propositions fortes pour redonner à notre pays la dynamique tant attendue, réunies au sein de cette plate-forme.

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